DU GRAND PLOUNEZ AU GRAND PAIMPOL
Traversée
de quelques siècles à grandes enjambées
L'histoire de Paimpol est bien connue : au début
était Plounez.
Plounez, en effet, est l'une des nombreuses
« paroisses primitives » fondées à la suite de l'arrivée
massive, vers les 6, 7 et 8èmes siècles de (grands-) Bretons en cette
Armorique qui deviendra bientôt la (petite-) Bretagne.
Puis vient la sombre période des raids vikings et de
l'occupation normande à laquelle Alain Barbetorte va mettre fin en 937
(on dit même que ce jeune chef breton serait venu chasser l'ennemi des
bords mêmes du Trieux). La Bretagne va alors pouvoir se ré-organiser en
s'appuyant sur 2 piliers : l'église et la féodalité, c'est à dire,
localement et concrètement : le recteur et le seigneur.
Plounez s'étend sur un vaste territoire qui va de
Ploubazlanec au nord à Plourivo au sud et des rives du Trieux à l'ouest
jusqu'à la mer (la baie de Paimpol) à l'est. Le chef lieu de la
paroisse avec l'église est sur une hauteur tandis que les gros hameaux
(entre autres Landebi, Landouézec, Kergrist, Paimpol) assez éloignés du
centre disposent chacun d'une chapelle.
Paimpol n'est qu'un hameau de pêcheurs en bout de
paroisse du Grand Plounez, posé entre deux grèves (Poul-Goïc et
Lostang), et qui dispose donc de sa chapelle ( la « vieille
tour » actuelle en est un vestige). Toute terre a son seigneur et
celle de Plounez appartient presque en totalité au seigneur de Kerraoul
dont le château, situé sur un sommet, domine la baie ; comme la
chapelle de Paimpol est construite sur une terre du seigneur, elle lui
appartient donc et, sur le plan religieux, elle est desservie par un
chapelain qui dépend du recteur de Plounez. Rien ne se fait ni ne se
décide à Paimpol sans l'accord du seigneur ou du recteur, voire des
deux.
Or les Paimpolais se trouvent être des gens
entreprenants, dynamiques, qui aiment le commerce et les affaires, ce
qui va bientôt donner naissance à une bourgeoisie composée de
négociants, armateurs, magistrats etc. Au cours des siècles, cette
bourgeoisie devient si prospère qu'en 1699 le roi accorde un blason à
la Communauté des marchands de Paimpol, blason qui
représente un navire. C'est tout un symbole : les citoyens d'une
bourgade commerçante, francophone, tournée vers la mer et ouverte aux
idées nouvelles n'ont rien en commun avec les vassaux bretonnants d'une
noblesse terrienne accrochée à un système féodal archaïque. Les
Paimpolais sont unis comme les membres d'un équipage pour assurer la
prospérité de leur communauté tandis que les nobles de Plounez (il y en
a 2 ou 3 en plus du seigneur de Kerraoul) ne songent qu'à leurs
privilèges, se querellent et s'épuisent en procès, sans plus se soucier
de leurs manants.
Mais Paimpol est toujours dans une position de
dépendance humiliante vis à vis du seigneur et du recteur. La
Révolution va enfin permettre aux Paimpolais d'arracher leur
indépendance : le « petit village » devient commune et
les bourgeois peuvent désormais gérer leurs propres affaires. La
chapelle devient église et les nouveaux paroissiens n'auront plus à
entretenir ni la vieille église de Plounez ni son desservant.
Paimpol va poursuivre son essor et Plounez son déclin. Un réel effort
est cependant entrepris par les municipalités au cours du XIXème siècle
pour moderniser la commune. De 1840 à 1894, tout le bourg va être
entièrement refait : on l'agrandit en démolissant quelques dépendances
qui l'étranglaient, ce qui permet de dessiner un nouveau chemin
autour
du cimetière. Ce cimetière, une fois agrandi est refait entièrement ;
puis on érige un nouveau presbytère beaucoup plus spacieux ; on
construit deux belles écoles de garçons et de filles et on finit en
apothéose en construisant une grande église de style
néo-gothique. Pour parachever sa transformation, le bourg se garnit
d'une couronne de plus de 80 jeunes ormes qui l'embellissent à la belle
saison.
essai de restitution du
bourg vers 1830
Mais la première guerre mondiale puis la seconde
vont contrarier ce rêve de développement. Plounez reste une commune
réputée riche, certes, mais qui vit sur ses réserves et ne peut ni se
désenclaver ni « décoller ». Tant et si bien que, en 1960, le
conseil municipal, croyant faire un bon choix, vote, avec une voix de
majorité, la fusion avec Paimpol.
Plounez n'est
plus qu'un quartier du Grand Paimpol et c'est désormais d'une mairie
située en ville que va se gérer l'avenir de cette ancienne commune
rurale.
J.D. 2013